Rose-Adélaïde, histoire d'une fleur qui n'a pu éclore...

Publié le par uneroseauparadis.over-blog.fr

Nous étions dans la dernière semaine du 6ème mois de grossesse....

 

Nous venions juste de rentrer de vacances...

Depuis une semaine tu bougeais moins, mais rien d'inquiétant...enfin c'est ce qu'on pensait...tout occupés qu'on était à te promener en Bretagne, à prendre en photo notre bidon (je le partageais avec toi donc c'était le nôtre à toutes les deux) devant la mer, devant les menhirs, devant les mouettes...etc...

Tu avais toujours été calme sur les mouvements, et le soir tu me faisais tes "pif-pif" dans le ventre, tu allais bien.

Nous t'avions vue deux semaines avant sur l'écran de l'échographe, tous tes petits organes étaient parfaits et ton petit cœur battait comme il fallait...

Je te parlais souvent, je te racontais des âneries, te disais des mots pleins d'amour...ton papa guettait tes mouvements pour venir les sentir...et toi petite coquine tu allais te planquer si vite...

Je me ménageais beaucoup, je ne voulais pas ouvrir mon col. Je faisais attention à tout, et on se goinfrait de Kinder toi et moi.

Le dimanche soir j'ai subi une bonne douleur épigastrique (oui c'est le nom scientifique finalement), on a pensé à des brûlures d'estomac. C’est si fréquent pendant la grossesse....et puis il fallait que j'arrête de flipper parce que j'avais passé tant de temps à flipper à l'idée de te perdre que j'avais fini par me raisonner...

On m'avait tellement dit que je me surprotégeais...et c'était vrai...

Et de toutes façons la peur n’évite pas le danger… 

Les brûlures d'estomac se sont calmées ce soir-là avec un petit Efferalgan et du Maalox...que des trucs qui ne sont pas contre-indiqués pendant la grossesse...je n'aurais pas pris le risque de t'empoisonner.

Mais sur le moment ça m'avait fait super mal, au point de devoir rester couchée dans le canapé de ma maman...pendant que dehors, ma sœur nettoyait son auto.

 

La nuit j'ai plutôt bien dormi, jusqu'à ce que les douleurs me reprennent, j'ai repris du Maalox, sans dépasser la dose indiquée par le pharmacien...

 

Le lundi on est passés déjeuner chez ma maman, je lui ai montré mes derniers achats pour toi, un pyjama bariolé rose et un body à col fleuri si mignons. On avait la voiture pleine de la layette de famille que je voulais trier pour toi...ainsi que de nos valises de vacances etc...

 

J'avais toujours mal au ventre, donc j'évitais de manger trop gras...

 

On a repris la voiture et on a fait nos deux heures de trajet pour rentrer chez nous.

Le soir même, dans une accalmie de ce mal de ventre, j'ai trié ces vêtements pour choisir ceux que j'utiliserai pour toi, ceux que j'allais mettre à la machine avec un désinfectant du linge bien adapté que j'irais acheter dans la semaine...

 

La nuit de lundi à mardi, le mal à l'estomac est revenu plus intense, ça m'a réveillée...j'ai repris un Efferalgan (le second en deux jours...j'avais préféré endurer plutôt que d'en abuser)...

Le lendemain nous devions aller en rdv de routine chez le gynéco, j'attendais de pouvoir le questionner sur le sujet.

 

Le matin, O'sullivan (c’est comme aller au Pub, mais sans la Guinness) et analyses habituelles...je me sens fatiguée mais rien d'alarmant.

 

Une entreprise ayant décidé de recevoir ton papa pour un entretien d'embauche (oui un méchant monsieur s'est permis de licencier par surprise ton papa au début de notre grossesse...il a dû batailler fort pour faire respecter ses droits), j'ai dû faire décaler l'heure du rdv avec le gynéco.

 

J'ai pris un bain cet après-midi-là, et je me suis dit que je ne t'avais pas encore sentie bouger depuis le matin...tu devais te cacher...tu m'avais déjà fait des blagues...

 

Nous sommes donc allés voir le gynéco, la bouche en cœur, nos seules craintes étant d'avoir pris du poids plus que de raison, ou d'avoir un poil perturbé le col avec le retour de vacances (mais je n'avais aucun signe pouvant me dire que j'aurais tiré sur la corde). Je lui ai parlé de mes douleurs...seul ton papa a remarqué à ce moment que le gygy avait changé de tête sur cette évocation de ce qui me semblait faire partie des "maux courants" de la grossesse.

 

On commence l'examen, je vais direct vers la balance, mais le gygy insiste pour m'examiner d'abord...trop tard je suis déjà sur la balance...tiens je me suis empiffrée et j'ai perdu un kilo? mouais, coup de bol tiens...parce que mon ventre a bien grossi durant la semaine dernière. J’ai même des vergetures qui sont apparues….

 

Nous somme le 24 août, presque à 6 mois de grossesse, et je monte sur le siège avec des étriers pour me laisser examiner.

Première chose, le col est nickel, de ce côté-là tout va bien. Vient le moment magique où on va te voir sur l'écran, je vois tes petites côtes, je m'émerveille.., le gygy nous dit que c'est normal qu'on te sente moins car tu es en siège...

Puis il insiste avec sa sonde et ne dit rien...moi je m'émerveille toujours...croyant que tout va bien et là soudain :

"C’est bien ce que je craignais... je ne trouve pas le cœur... son cœur s'est arrêté...c'est terminé je suis désolé"

 

J'ai regardé ton papa, je ne comprenais pas...je ne réalisais pas...lui non plus, il cherchait encore à voir ton petit cœur nous faire signe.....abasourdis tous les deux et en pleine panique......tu étais décédée, là dans mon ventre...le pire choc de toute notre vie...soudainement tu étais partie...

 

Le gygy nous a expliqué que ton petit corps était en bon état, que ton décès remontait à moins de 48h, que ce type de choses arrive rarement mais que ça arrive, qu'il allait falloir programmer un accouchement....

 

Je n'y croyais pas, je lui ai demandé de revérifier...il a revérifié...et nous a fait cette fois ci voir la ligne qui autrefois sautillait aux battements de ton cœur...la ligne ne bougeait plus...il n'y avait que du silence...un silence de mort....

 

Cette fois ci j'ai réalisé...ce n'était pas une erreur, pas un dysfonctionnement de la machine...tu es morte. Morte et en moi.

 

Ma première réaction a été aussi violente que le choc, je voulais annihiler tout ça...te prendre pour une fausse couche pour que ça me fasse moins mal, revendre la poussette, faire comme s'il n'y avait jamais eu de grossesse....et qu'on te sorte de moi le plus vite possible.

 

Le gynéco nous a expliqué qu'on allait programmer l'accouchement (un accouchement???ah?) pour le vendredi 27 août (3 mois tout pile avant ta DPA), que le soir on allait rentrer chez nous, et que le lendemain nous reviendrions le voir pour qu'il me donne des médicaments pour faciliter le travail, voir l'anesthésiste car si je le souhaitais je pouvais me faire endormir pendant l'accouchement (ce que je pensais vouloir aussi dans mon but d'annihilation), qu'on allait être pris en charge par une psy pour passer ce cap douloureux. Il a aussi commencé à nous dire, que, non, tu n'es pas une fausse couche et qu'on allait faire un certain chemin dans toute cette horreur...et il avait raison.

Sois sûre d'une chose ma puce....ce médecin nous a annoncé ton départ avec beaucoup de tact et il avait l'air très déçu de voir que la mort t'avait prise ainsi. Et il ne nous a jamais abandonnés dans cet enfer.

Je lui ai posé mille questions pour savoir si j'avais fait quelque chose de mal, il m'a dit,  redit et répété que ça ne venait pas de moi...que c'était certainement une sorte de mort subite, que je n'aurais rien pu y faire...qu'au vu des choses.. on avait très peu de chances de savoir ce qui t'avait emportée, toi un bébé normal et en bonne santé...

Qu'on pourrait demander une autopsie si on le souhaite, mais qu'on avait 90% de chances d'apprendre que c'était la faute à pas d'bol...

Qu'il fallait qu'on pense à tes obsèques, mais que si nous le souhaitions l’Etat pourrait s’en occuper.

Que nous pourrions te voir après ta naissance si nous le désirions.

 

Nous sommes sortis après des prises de rdv et une prise de sang dans l'urgence...pour chercher des causes éventuelles...

 

Nous sommes sortis et avions déjà commencé à réaliser que tu n'étais pas une fausse-couche...le chemin avait commencé...

Oh, non, on n’allait pas t’effacer ma chérie….

On a appelé ma maman...elle était catastrophée, elle a dit au téléphone ces mots que je n'oublierai jamais "oh ma pauvre petite-fille", je ne sais pas si ces mots étaient pour toi ou pour moi, ou pour nous deux. Mais j'ai senti ma maman souffrir pour nous...cela m'a encore plus déchirée, je n'avais pas encore totalement réalisé, elle, oui…

 

Nous avons pris la route vers chez nous...et j'avais peur que suite au choc ton papa ait du mal à conduire....il a conduit doucement, a pris sur lui et nous a ramenés chez nous, nous étions en larmes...

 

J'ai cru te sentir bouger encore une fois...puis je me suis dit que non, c'était la pesanteur qui faisait déplacer ton petit corps...en fait c'était une contraction...je l'ai compris plus tard ce soir-là...j'en avais déjà eu. Je n'avais pas su les reconnaitre...elles ne me faisaient pas mal, j’avais cru que c’étaient tes petites fesses qui frôlaient mon ventre…

 

En rentrant, ton papa a prévenu ses parents...sa maman ne pouvait plus parler, sous le choc....

 

J'ai fait un sms à mes proches qui attendaient toujours des nouvelles de toi après chaque examen...le sms disait que ton petit cœur avait cessé de battre à 6 mois de grossesse, que tu étais décédée...

 

La tentative d'annihilation consécutive au choc commençait à laisser place à la prise de conscience de toute cette horreur...le mécanisme de défense a cédé,.tu es un bébé décédé qui allait devoir naître très prématurément. Mon congé mat' allait commencer un mois et demi avant la date prévue...

 

Nous ne comprenions pas pourquoi on ne nous avait pas fait entrer au bloc pour te sortir de là...pourquoi on nous avait renvoyé chez nous avec un bébé mort dans le ventre...pourquoi....pourquoi....pourquoi...mille questions…et l’obligation de mûrir dans un cours de parentalité hyper accéléré…

 

La nuit nous n'avons pas dormi, je ne pouvais plus manger, les contractions sont devenues régulières...on a parcouru plein de sites internet...on y a compris pourquoi on était chez nous, pourquoi on devait faire l'accouchement naturellement, pourquoi on devrait te regarder ensuite, ce qui nous attendait...

 

La première réaction a cédé la place au "comment faire au mieux pour être dignes d'elle". Ton prénom on l'avait déjà décidé...on t'appelait déjà Rose pour te parler in-utero.

 

On a réfléchi à tes obsèques...j'avais pensé à une crémation...ton papa ne voulait pas...il avait raison...il te fallait une sépulture...il fallait que nous choisissions nous même où te mettre.

 

Je me suis endormie deux heures...espérant me réveiller et réaliser que c'était un affreux cauchemar trop réaliste....

Perdu...

On s'est réveillés dans les bras l'un de l'autre...en pleurant encore et encore...une amie m'a appelée...beaucoup de gens nous ont appelé pour nous soutenir depuis....

Nous sommes allés la mort dans l'âme au rdv avec le gynéco, avec l'espoir fou qu'aujourd'hui il allait nous dire que non, c'était une grosse frayeur mais que ton petit cœur était reparti et que tu étais en pleine forme....et non....il a refait un examen, nous a dit que ton petit corps avait commencé à s'abîmer depuis la veille....

Il a examiné mon col car je lui ai parlé de ces contractions qui s'étaient mises en places...le col avait un tout petit peu bougé...mais pas assez.

Il nous a prescrit des médicaments, du MIFEGYN...pour faciliter le travail...

On a reparlé avec lui, à ce moment-là on était résignés....il nous a dit que toutes mes analyses étaient parfaites...le O'sullivan nickel, les prises de sang nickel...il n'y avait rien pour indiquer une quelconque piste...peut-être le cordon? on le verrait à l'accouchement...

Il m'a répété que ce n'était pas lié à moi...avec certitude.

Il a rempli des formulaires et nous a demandé ton prénom...Rose-Adélaïde...c'était la première fois qu'on le donnait de façon officielle...on n'aurait jamais imaginé le donner dans ces conditions. Mais à partir de là tu étais définitivement une vraie petite personne.

 

Il allait encore falloir attendre deux jours entiers avant d'accoucher...mais si les contractions continuaient ou s’intensifiaient, nous pouvions revenir le soir pour le voir pour un autre examen du col...

On a enchainé avec l'anesthésiste, une autre prise de sang (au labo, la dame n'était pas au courant...elle m'a demandé pour quand était mon terme...j'ai annoncé entre deux sanglots que mon bébé était mort in-utero), voulions-nous recevoir les résultats d'analyses par la poste ? oui, comme d'habitude.

Puis on a vu la psy...mes yeux étaient tellement bouffis de larmes que mes paupières avaient doublé de volume.

J'avais des contractions toutes les dix minutes.

 

On a parlé longuement avec elle, elle nous a donné plein de conseils, nous a expliqué que si nous ne voulions pas prendre de photo de toi...de toutes façons la clinique en prendrait pour qu'on puisse les demander plus tard si nous en avions besoin. Ton papa était déjà sûr de vouloir te voir (il est courageux ton papa...il cache une grande force derrière toute sa réserve), moi j'avais peur mais j'avais compris que je te le devais...que si je te refusais ce regard je ne me le pardonnerais jamais...je ne voulais pas à ce moment-là prendre de photos de toi, je trouvais ça malsain...

 

On a longuement parlé, puis on est rentrés chez nous.

 

Examen du col le soir, les contractions continuaient, mais il n'avait pas encore bougé.

Le gygy nous a passé les médocs à prendre le lendemain matin (seconde dose) et nous a dit de passer si on sentait que ça changeait, mais qu'à priori on était partis pour accoucher vendredi.

 

En rentrant, tels des zombies, ton papa a téléphoné à ses parents...j'ai eu besoin de leur parler...leurs premiers mots ont été : "c'est notre petite fille, elle le sera toujours" ces mots m'ont réchauffé le cœur avec une force inouïe. Personne n'allait nier ton existence...personne…

Il restait de la place dans le caveau familial de la famille de ton papa, on allait te mettre là-bas auprès des tiens. Ma maman en avait parlé avec les parents de ton papa...tout le monde s'est dit que c'était le meilleur endroit pour toi...et nous étions tout à fait d'accord...là-bas il y a ta grand-tante et ton arrière-grand-mère que nous aimions beaucoup. Et tu serais inhumée dans un endroit où la vie nous ramènerait toujours.

 

Nous avons passé ainsi une autre nuit avec ton petit corps dans mon ventre, puis une autre journée, avec nos proches sans cesse au téléphone...un soutien formidable...ma sœur, ta tante, a demandé à ses collègues de nous faire graver trois petites médailles avec ton prénom...une pour toi, une pour ton papa, une pour moi.

On a réfléchi aux vêtements que l'on te ferait mettre...ce seraient les achats que j'avais montré à maman le lundi même...dans les choses que nous avions déjà acheté pour toi...on a rapidement pensé à ce nid d'ange que ton papa m'avait offert pour nos 2 ans de mariage...nous te ferions envelopper dedans...pour te mettre au chaud...

On a prévu de mettre le doudou qu'on t'avait acheté, avec toi dans ton petit cercueil, ainsi que ce bola que tu aimais tant suivre...puis d'autres choses...

Ce jeudi on a réfléchi à tout ce qu'on pouvait faire pour te dire au revoir en étant dignes de toi.

Les contractions étaient désormais toutes les 5 minutes, la veille au soir j'avais perdu le bouchon muqueux, j'avais appelé la clinique qui m'avait dit que ça ne signifiait pas d'accouchement dans l'immédiat...oh ! que j'avais peur de te donner naissance dans mon lit...de ne pas savoir que faire de ton petit corps...de te voir sans qu'on t'ait préparée...j'étais terrifiée...

Le jeudi soir, en parlant avec ta tante au téléphone, j'ai senti de l'humidité sous moi, on a cru que c'était la perte des eaux...on a foncé à la clinique, dans un mélange de peur de l'accouchement (tout premier pour nous aussi) et de hâte car il fallait cette délivrance pour toi comme pour nous...et nous commencions à nous sentir prêts pour cette étape...

 

Aux urgences de la clinique, on a expliqué tout ça à la sage-femme qui nous a accueillis...elle nous a mis dans une petite salle...a dû nous faire attendre quelques instants...le temps qu'un bébé naisse à côté (il a dû sortir vite car il a dû sortir dans une salle de travail au lieu d'une salle d'accouchement), on a entendu ses cris...cela nous a déchiré le cœur une seconde...puis on s'est regardés ton papa et moi et on s'est promis que nous aussi, un jour on aurait un autre enfant qui crierait. Non on ne pensait pas te remplacer...mais on a eu besoin de prendre tout l'espoir contenu dans le cri d'un nouveau-né...besoin de se dire qu'on aurait d'autres enfants après toi...et sans ce dénouement tragique.

 

La sage-femme, très gentille est revenue, a examiné le col...un peu ouvert, pas encore assez...ce n’étaient pas les eaux, la poche était encore intacte. Elle nous a proposé de passer la nuit-là puisqu'on devait commencer le vrai travail le lendemain à 8h...m'a administré un calmant dans une fesse...j'étais shootée...le calmant était très efficace...j'ai rappelé ta tante, et tout en continuant à lui dire combien j'étais triste de ton départ...je me suis aperçue que le calmant me volait mes larmes...je ne voulais pas que mes larmes soient empêchées de couler. Ces larmes sont saines…elles doivent sortir.

 

On nous a transférés dans ma future salle de travail...ton papa a eu droit à un beau fauteuil pour s'y installer (oui ton papa ne nous a jamais abandonnées...il a été présent tout le temps, et exemplaire d’amour et de soutien) et sous l'effet du calmant, j'ai pu m'endormir, d'un sommeil sans rêves...pour mieux affronter la dure journée du lendemain.

 

Le vendredi 27 au matin...tout s'est enchainé...la sage-femme de la nuit nous a dit qu'on avait intérêt à lui dire quand on reviendrait pour ton petit frère ou ta petite sœur, qu’elle guetterait notre retour pour un accouchement plus heureux...très émue pour nous trois...une nouvelle sage-femme s'est présentée à nous, elle avait l'air tout aussi gentille que la précédente...et en effet, elle a aussi été formidable et très humaine.

Le gynéco est venu nous voir, nous a expliqué le déroulement de ce qui nous attendait...nous a prévenu que la délivrance pouvait survenir le jour même ou le lendemain matin...suivant les réactions de mon corps aux médocs qu'on allait me mettre derrière le col.

On leur a expliqué qu'entre temps on avait réfléchi à une éventuelle anesthésie, on n'en voulait plus.

Parce que si je manquais le moment de ta naissance, laissant aux autres le privilège de te faire sortir je le regretterais toute ma vie, qu'à défaut de te donner toute une vie à vivre, je voulais t'offrir le peu que je pouvais : une naissance. Je ne pouvais pas refuser la chance qui m'était donnée de le faire.

Et un peu aussi parce que ton papa avait peur que je ne me réveille pas...

Et moi je ne pouvais l'imaginer tout seul dans un couloir à attendre mon réveil...désemparé...

Pour toutes ces raisons-là, nous allions t'accompagner jusqu'au bout mon bébé...

 

 

Les cachets derrière le col ont vite fait leur effet...les contractions sont vite devenues bien douloureuses, se sont rapprochées jusqu'à une minute d'intervalle. On m'a donné un gros ballon pour m'asseoir dessus et gérer la douleur...ce gros ballon tout rose a été d'une grande utilité...

 

Deux heures après l'administration du médoc, le gynéco est venu m'examiner lui-même...le col s'était bien effacé et commençait à s'ouvrir...on allait pouvoir me faire la péridurale (et cette nouvelle-là, je peux jurer qu'elle soulage, même si la piqure dans le dos fait peur). J'arrivais à gérer les contractions...mon secret c'est que je les avais pour toi, et la douleur physique n'est plus si terrible quand c'est la seule chose qu'on peut offrir à son enfant... mais c'est vrai aussi que lorsqu'on sait qu'elle va empirer...on ne dit pas non à un soulagement. Le masochisme n’est pas une bonne idée, surtout lorsqu’on a déjà le cœur en mille morceaux.

 

J'ai eu ma péri, la femme qui me l'a posée était la même anesthésiste que pour la ponction qui avait donné ton embryon (et ceux qui nous attendent sur la banquise)...je lui ai dit que je me souvenais d'elle...puis j'ai craqué nerveusement parce que j'étais toujours aussi désespérée, que j'avais peur de cette piqure dans la colonne...elle m'a secouée avec ses mots pour que je ne lâche pas prise...elle a bien fait. Avec l'aide de la sage-femme elle m'a posé cette piqure magique...et j'ai alors pu me détendre et attendre.

 

On m'a mis une perf’ pour m'hydrater et me nourrir (moi qui n'avais rien pu avaler depuis 3 jours...) et un produit pour intensifier les contractions et les rendre plus utiles...

Je sentais les contractions, mais plus la douleur...ton papa m'énonçait l'intensité de celles-ci (elles étaient mesurées par une sangle) et j'en avais toutes les 30 secondes... et ça se rapprochait...et les chiffres étaient de plus en plus forts...je remerciais chaleureusement Monsieur Péridurale...les femmes lui doivent beaucoup. (si si…ce type est/était un bienfaiteur)

Un autre moniteur mesurait ma tension...il était déréglé... son alarme nous a bien saoulés...elle a commencé avant que ton papa puisse me rejoindre dans la salle d'accouchement...sur le moment je ne voyais pas ce que c'était...je me suis demandée "Je suis en train de mourir ou quoi? Pourtant j'ai l'air physiquement normale là.." je ne savais pas si je devais sonner les sages-femmes ou pas....

 

A un moment le gynéco est passé, m'a examinée..."vous travaillez bien, d'ici deux heures ce sera terminé", il était 14 h...

Nous étions 6 femmes à accoucher cet après-midi-là...autant dire qu'ils ont eu bien du boulot...

 

Je m'endormais presque de temps à autre.

 

Une douleur a commencé à se faire sentir du côté gauche....on m'a injecté la seconde dose de péridurale...cette douleur-là n'est pas partie...quelque chose appuyait...on en était aux prémices des contractions qui te pousseraient dehors...

 

Ma maman est arrivée à la clinique, ton papa a dû sortir pour lui passer les clés de chez nous...ça a duré 5 minutes même pas...

 

Au même moment j'ai senti cette petite douleur devenir une grosse douleur qui m'a pris tout le bas du ventre...affolée et seule j'ai bipé la sage-femme...elle est arrivée, et a tout de suite appelé le gynéco.

Ton papa est revenu juste à temps...une autre sage-femme l'a alors choppé pour qu'il mette une blouse qu'il aurait normalement dû mettre depuis longtemps (on lui avait déjà fait le coup avec les chaussons en début d'après-midi...le personnel médical le relookait petit à petit...pourtant il est beau mec ton papa…), il est rentré très vite, le gyneco a suivi derrière, avec des sages-femmes...

 

Nous étions le vendredi 27 août 2010....15h28.

 

Et là piouf, j'ai senti tes petits pieds passer par le col, ils étaient encore en train de visser les étriers sur la table...

Ton corps avait commencé à s'échapper du mien...je le sentais glisser tout seul vers l'extérieur...je décrivais tout ça, un peu effrayée mais consciente de tout...

Ils m'ont dit de pousser...je ne savais pas comment faire...mais bizarrement mon corps a trouvé tout seul...et à un moment, j'ai senti la chose la plus merveilleuse qui soit, merveilleuse malgré le dénouement tragique....ta petite tête qui passait qui tendait tout sur son passage, ta petite tête qui me faisait comprendre pour de bon que j'accouchais de toi et que malgré ton décès il n'y avait rien de plus magnifique que de sentir ta petite tête à toi , ta maman est vraiment née à ce moment-là, en même temps que toi.

Ta tête est sortie, puis le liquide amniotique, puis j'ai demandé au gygy si le placenta allait venir facilement...il m'a répondu qu'il était déjà sorti, que tout était fait.

J'ai ensuite eu envie de te voir, tout de suite, j'ai demandé si je pouvais, ils m'ont dit qu'il fallait qu'ils te préparent.

 

On a entendu le cri d'un nouveau-né d'une salle voisine...ton papa et moi avons eu un espoir complètement fou...mais non, ce n'était pas toi...comme prévu tu n'avais pas crié. Tu étais déjà décédée depuis plusieurs jours...je t'avais délivrée mais je ne t'entendrai jamais crier.

 

Après m'avoir fait quelques soins, on m'a transféré dans la chambre où j'avais fait mon travail...à ce moment tu n'étais plus en moi...on me disait que maintenant je devais me reposer, mais je ne pensais qu'à toi, je voulais qu'on t'habille, que tu ne prennes pas froid...je m'en foutais bien de moi....tu m'obsédais déjà totalement...et ce malgré l'absence de vie dans ton petit corps.

 

On a dû attendre un bon moment pour pouvoir te voir...ça nous a semblé une éternité....le besoin de te voir était viscéral, la douleur de ne plus t'avoir du tout en moi aussi...la séparation physique est un déchirement complètement animal...mon corps continue encore à te chercher ....

 

Et finalement les sages-femmes t'ont amenée à nous, on avait un peu peur, on était préparés à voir le masque de la mort sur ton petit visage...elles t'ont posée dans mes bras, habillée de ton pyjama si grand pour ton petit corps, emmitouflée dans ton nid d'ange tout blanc, et tu étais magnifique....

 

J'avais eu peur de te voir, mais tu étais si belle ...

 

36 cm, 780g...parfaite….. malgré la mort....

 

Nous t'avons parlé longuement, nous t'avons embrassée, nous avons soulevé ton petit bonnet délicatement pour découvrir tes petits cheveux noirs....

 

Ce moment-là était un moment d'éternité.

 

Nous avons pris quelques photos pour nous, pour être sûrs de ne jamais oublier ce merveilleux petit visage, cette petite bouche qui était la même que la mienne, ce petit minois qui est une synthèse de ton papa et de ta maman.

 

Ce n'était pas non plus le cordon, on ne saura donc jamais, car on a refusé d'outrager ton petit corps par une autopsie qui ne nous donnerait aucune réponse.

 

Tous tes grands-parents sont venus nous rejoindre plus tard, ils t'ont aussi admirée...

 

Tu nous as appris beaucoup de choses par ton bref passage, la plus importante c'est l'amour infini qu'on peut porter à son enfant....par-delà la mort.

 

Voilà l'histoire de ta naissance, ma merveille, ma Rose...

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I
<br /> <br /> Ce que je voulais dire, mais je me suis mal exprimée, c'est que cet amour que vous ressentez tous les deux pour Rose je vous souhaite de pouvoir très vite l'exprimer physiquement au<br /> travers de ce nouvel enfant, toute la tendresse que vous aimeriez donner.<br /> <br /> <br /> Je sais que Rose est unique, que le prochain sera tout aussi unique, je ne voulais surtout pas dire le contraire.<br /> <br /> <br /> Courage à vous. Bises.<br /> <br /> <br /> Isabelle<br /> <br /> <br /> <br />
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U
<br /> <br /> Ne t'inquiètes pas, y a pas de mal.<br /> <br /> <br /> <br />
I
<br /> <br /> Inscrite sur le forum de PMA, je suis venue lire l'histoire de Rose.<br /> <br /> <br /> Très émue, je vous souhaite de tout coeur d'avoir à nouveau un enfant à aimer, vous pourrez alors continuer à aimer Rose à travers lui.<br /> <br /> <br /> Je vous embrasse et vous sers fort dans mes bras.<br /> <br /> <br /> Isabelle  <br /> <br /> <br /> <br />
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U
<br /> <br /> On aimera un autre enfant pour ce qu'il sera.<br /> <br /> <br /> Rose on l'aime à travers les nuages.<br /> <br /> <br />  <br /> <br /> <br /> Merci à toi, bises.<br /> <br /> <br /> <br />
C
<br /> <br /> J'ai les larmes aux yeux ... nos histoires sont tellement similaires... nos anges sont dans nos coeurs à tout jamais.<br /> <br /> <br /> Courage et plein de bisous<br /> <br /> <br /> <br />
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M
<br /> <br /> J'avais pas lu ton récit, il est merveilleusement bien écrit, ta petite Rose peut être fière de sa maman et de son papa.<br /> <br /> <br /> <br />
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G
<br /> <br /> je suis en larme ma belle ....je ne trouve aucun mot face a une telle souffrance , une chose est sure votre petite rose est là dans votre coeur ...cette cruelle absence est si lourde ..... mille<br /> pensée a toi petite étoile<br /> <br /> <br />  <br /> <br /> <br />  <br /> <br /> <br /> <br />
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